8  Règles techniques de conception et de calcul des ouvrages de gros oeuvre

Les prescriptions des règles de calcul du béton armé, à savoir la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale ainsi que la NF EN 1992-3 et son Annexe Nationale s'appliquent, compte tenu des aménagements et/ou compléments donnés dans la suite de la présente section.

NOTE 1

Les aménagements et/ou compléments s'expliquent notamment par les différences existant entre les cuvelages et les ouvrages de la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale dont les règles de maîtrise de la fissuration d'un cuvelage sont conditionnées par l'existence d'un revêtement d'imperméabilisation, notamment ses conditions d'adhérence, ou d'étanchéité.

NOTE 2

Bien que le niveau d'eau extérieur fluctue, il est admis, conformément à la NF EN 1990 et son Annexe Nationale, de retenir le coefficient 1,35 pour les actions de l'eau, jusqu'au niveau EH, dans les états limites ELU.

Les cuvelages devant assurer l'étanchéité ou l'imperméabilisation pour tous les niveaux de l'eau jusqu'au niveau E, les conditions d'état limite de fissuration s'appliquent donc dans des cas allant au-delà des États Limites de Service tels que définis dans la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale.

Les épaisseurs des parois du cuvelage sont à déterminer de telle sorte qu'on se trouve en dehors du domaine de fissuration systématique du béton sous les seuls effets des actions gravitaires et de celles provoquées par l'eau. Des dispositions constructives spécifiques sont prévues en vue de minimiser les effets des sollicitations provenant des variations dimensionnelles.

NOTE 3

Ainsi tous les points récapitulés ci avant expliquent pourquoi le simple renvoi à la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale n'est pas suffisant d'autant qu'on risquerait ainsi de retenir des dispositions non sanctionnées par l'expérience et hors du champ économique associé actuel.

8.1  Action de l'eau

L'action de l'eau est définie par ses niveaux au 3.3.

NOTE

Les niveaux d'eau intervenant sur la valeur des actions latérales du sol, on ne peut dissocier ces deux phénomènes dans les combinaisons d'actions, par exemple en considérant que l'un donne l'action variable de base pendant que l'autre donne une action d'accompagnement.

8.2  Sollicitations de calcul

8.2.1  État limite ultime de résistance

  • Combinaison fondamentale sous les actions de l'eau EH et EB :

    Lorsque l'eau est l'action variable de base, le coefficient de pondération est égal à 1,35 pour sa partie variable et pour sa partie permanente.

    Dans le cas où l'action de l'eau est favorable, le niveau EB est à remplacer par le niveau des plus basses eaux adapté à la combinaison considérée. Il est toujours possible dans ce cas de négliger l'action de l'eau.

    Les coefficients γM sont ceux de la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale (1,5 pour le béton et 1,15 pour l'acier).

    Lorsque l'eau est l'une des actions d'accompagnement, le coefficient ψ0 associé est pris égal à 1/1,35 = 0,74.

    Toutefois les sollicitations résultant des actions dont celle de l'eau multipliée par 1,35 sont plafonnées de telle sorte que tous les points porteurs soient en état d'équilibre statique. Ceci revient à limiter les sollicitations induites par les combinaisons comportant (1,35 * EH) par celles comportant (1,05 * EE).

  • Combinaison accidentelle sous l'action E de l'eau :

    Lorsque l'eau est l'action accidentelle, on se réfère au niveau E avec un coefficient pondérateur égal à 1.

    Les coefficients γM sont ceux de la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale (1,5 pour le béton et 1,15 pour l'acier).

    Lors d'une action accidentelle autre que l'eau, il est retenu le niveau EB.

8.2.2  État limite d'équilibre statique

Pour chaque point porteur, les charges verticales descendantes nominales limitées aux actions permanentes doivent être au moins égales à 1/0,95 = 1,05 fois les charges ascendantes résultant de l'action de l'eau supposée au niveau E.

NOTE 1

On pourra à cet effet prendre en compte des reports de charges réalisés par des structures de reprise.

NOTE 2

Le niveau E est, par définition même, le niveau le plus haut pouvant être atteint par la nappe autour du bâtiment, c'est donc lui qui fixe le plafond de la poussée d'Archimède à considérer pour le soulèvement.

8.2.3  Phases de construction

On doit justifier de l'état limite ultime de résistance et de l'état limite d'équilibre statique durant les phases de construction, l'action de l'eau se rapportant aux niveaux environnants de la nappe durant ces phases, compte tenu des rabattements éventuels.

Dans le cas de la justification de la combinaison fondamentale de l'état limite ultime de résistance, les actions de l'eau et de la terre sont affectées du coefficient 1,35 (action défavorable) ou 1 (action favorable).

8.3  Prescriptions particulières concernant les cuvelages avec revêtement d'imperméabilisation

8.3.1  État limite de service vis-à-vis de l'ouverture des fissures

Les calculs sont à effectuer selon les règles données ci-après.

NOTE

Généralement le phasage de construction n'est pas à prendre en compte. Ces vérifications sont effectuées sur l'ouvrage en service.

Les sollicitations de calcul résultent des combinaisons d'actions suivantes :

  • charges permanentes affectées du coefficient 1 ;

  • action éventuelle de retrait résiduel dans le cas de radier gêné (voir 5.6) ou de radier coulé sur des distances entre joints de dilatation supérieures aux valeurs usuelles des dimensions entre joints prévues par les règles de béton armé en vigueur pour les superstructures. Les valeurs à retenir pour estimer le retrait sont celles de la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale sauf justification particulière. On peut envisager des sollicitations de retrait établies sur la base de la gêne apportée à la manifestation des déformations imposées minimisées compte tenu des dispositions prises pour le coulage du radier (cure, joints de clavetage, etc.) et la présence du terrain en sous-face qui réduit aussi l'ampleur des déformations. On doit cependant noter les points suivants :

    • le fait de pouvoir prendre en compte le retrait résiduel dans les calculs ne doit pas faire oublier que l'on peut privilégier la voie de toutes les dispositions constructives visant à minimiser les effets du retrait ;

    • le calcul des sollicitations doit être mené sur la base des sections fissurées et non celle des sections homogènes (béton seul) et/ou homogénéisées (béton plus acier). Et dans ce cadre, il est loisible pour le projeteur de passer par l'intermédiaire d'évaluations d'inerties efficaces forfaitaires.

  • action de l'eau affectée du coefficient 1 ;

  • action latérale des terres affectée du coefficient 1 ;

  • autres actions variables éventuelles affectées du coefficient ψ0.

L'état limite d'ouverture des fissures est défini par des vérifications concernant la structure résistante située sous le niveau de l'eau envisagé :

  • la première concerne le calcul ELS compte tenu de la limitation de la contrainte de l'acier tendu ;

  • la deuxième concerne l'épaisseur minimale ;

  • la troisième concerne le pourcentage minimal d'armatures ;

  • les dispositions constructives associées.

8.3.1.1  Limite de la contrainte de l'armature tendue

Dans le cas des sections droites tendues du côté recevant le revêtement d'imperméabilisation, l'action de l'eau est définie par son niveau E et la contrainte de traction de l'acier tendu est limitée à la valeur suivante : Min [2/3 fyk ; 200 MPa]. Pour des barres de haute adhérence de diamètre au plus égal à 9 mm et d'espacement inférieur ou égal à 150 mm, la contrainte de 200 MPa est portée à 240 MPa.

Dans le cas des sections droites tendues du côté en contact avec l'eau, on doit distinguer trois cas :

  • eau définie par son niveau EB : Min [2/3 fyk ; 200 MPa] ;

  • eau définie par son niveau EH : Min [2/3 fyk ; 300 MPa] ;

  • eau définie par son niveau E : Min [2/3 fyk ; 400 MPa].

8.3.1.2  Epaisseur minimale

Cette vérification n'est à effectuer que pour les sections droites tendues du côté recevant le revêtement d'imperméabilisation, l'eau étant définie par son niveau E (donc combinaison ELS avec EE).

La contrainte de traction du béton calculée en section homogénéisée, sans tenir compte des sollicitations de déformation imposée (telles que celles résultant du retrait gêné ou de la température) ne peut excéder la valeur 1,1 * (0,6 + 0,06 fck) * θ

avec :

  • θ = 1 dans le cas de la traction simple ;

  • θ = 1 + (4 e0/3 h0) dans le cas de la flexion plane composée avec traction, la force de traction ayant une excentricité e0 inférieure à la demi-épaisseur h0/2 de la paroi ;

  • θ = 5/3 dans tous les autres cas.

NOTE

Cette vérification est très souvent déterminante pour le choix des épaisseurs.

8.3.1.3  Limite de pourcentage minimum d'armatures

La clause 7.3.2 de la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale ne s'applique pas. Elle est remplacée par les dispositions suivantes.

La vérification de la condition de non-fragilité est remplacée par le respect d'un ferraillage minimal dans les cas suivants :

  • radiers ou parois coulés avec les précautions nécessaires en vue de limiter les phénomènes de variation dimensionnelle contraire (retrait, température, etc.). Ces précautions peuvent concerner, entre autres, la composition du béton, sa mise en oeuvre, les phases de coulage, les zones de clavetage, les reprises, les procédés de cure, les délais entre phases Ces précautions figureront sur les plans et/ou font l'objet d'un document spécifique établi par l'entreprise de gros oeuvre et remis au Maître d'OEuvre.

    1 ‰ de la section droite résistante strictement nécessaire plafonné à 4 cm2/m, avec un minimum de 1 cm2/m pour la face de la paroi recevant le revêtement d'imperméabilisation, et ce dans chacune des deux directions, dans le cas des dalles ;

  • autres radiers ou parois

    2,5 ‰ de la section droite sur chaque face, et ce dans chacune des deux directions, dans le cas des dalles ; ou de la section droite résistante strictement nécessaire dans le cas des radiers, si l'épaisseur excédentaire située en sous face est convenablement pré-fissurée.

NOTE

Les règles précédentes visent également les zones de raccordement entre radiers et parois.

La prescription de pourcentage minimal ne s'applique pas à la zone des joints verticaux séparatifs des panneaux constituant une paroi moulée.

8.3.1.4  Dispositions constructives associées

Dans les zones où la paroi est armée et pour la face concernée, la distance libre entre les armatures ne peut pas excéder, pour chaque lit, la plus petite des deux valeurs suivantes :

  • 0,33 m et 1,5 fois l'épaisseur de la paroi, dans le sens principal porteur ;

  • 0,45 m et 1,5 fois l'épaisseur de la paroi, dans le sens de la répartition.

Toutefois, dans le cas de parois moulées, la distance libre entre les barres ne doit pas être inférieure à 0,10 m.

Le diamètre minimal des armatures doit être au moins égal à 6 mm, dans le cas des armatures à haute adhérence.

8.4  Prescriptions particulières concernant les cuvelages à structure relativement étanche

8.4.1  État limite de service vis-à-vis de l'ouverture des fissures

Les dispositions du 8.3.1 s'appliquent.

8.4.1.1  Limite de la contrainte de l'armature tendue

La vérification demandée au 8.3.1.1 est à faire pour les deux faces de la paroi suivant les conditions précisées au 8.3.1.1 pour les cas des sections droites tendues du côté en contact avec l'eau.

8.4.1.2  Epaisseur minimale

La vérification, demandée au 8.3.1.2 dans le cas de revêtement d'imperméabilisation, doit être faite pour les sections droites tendues sur la face opposée à celle en contact avec l'eau, et uniquement dans le cas de traction simple ou de flexion composée avec traction, lorsque l'excentricité est au plus égale à la demi-épaisseur.

8.4.1.3  Limite de pourcentage minimum d'armatures

La vérification demandée au 8.3.1.3 doit être faite pour les sections droites tendues sur la face opposée à celle en contact avec l'eau, et uniquement dans le cas de traction simple ou de flexion composée avec traction, lorsque l'excentricité est au plus égale à la demi-épaisseur, le niveau d'eau étant défini par son niveau E.

8.4.1.4  Dispositions constructives associées

La prescription du 8.3.1.4 s'applique pour la face de la paroi opposée à celle en contact avec l'eau.

8.5  Prescriptions particulières concernant les cuvelages avec revêtement d'étanchéité

8.5.1  État limite de service vis-à-vis de l'ouverture des fissures

La vérification concerne la structure résistante interne dans le cas d'une étanchéité adhérente ou non.

Les vérifications retenues sont les mêmes que celles demandées au 8.3.1.1 pour les deux faces de la paroi, suivant les conditions précisées au 8.3.1.1 pour le cas des sections droites tendues du côté en contact avec l'eau.

8.5.2  Dispositions constructives

Pour les structures visées au 8.5.1 et lorsqu'il faut des armatures pour l'équilibrage des sollicitations, il est nécessaire, pour la face concernée et pour les armatures principales ainsi que pour les armatures de répartition, d'appliquer les dispositions constructives minimales et les conditions de non-fragilité de la NF EN 1992-1-1 et son Annexe Nationale.

8.6  Ouvrages en béton précontraint

Les prescriptions indiquées aux 8.1 à 8.5 du présent document sont applicables partout où subsistent des tractions.

NOTE

En effet, la précontrainte ne peut pratiquement jamais être totale dans les cuvelages.

Lorsqu'il y a précontrainte dans une certaine direction, l'effort de précontrainte correspondant, pris avec sa valeur caractéristique minimale, doit être au moins égal à l'effort de traction simple développé par les actions autres que la précontrainte. Dans toutes les sections soumises à flexion composée, la partie tendue de la section ne doit pas être supérieure aux 6/10ème de sa hauteur totale, le calcul étant fait en négligeant le béton tendu.